Tout savoir sur l'acquisition d’un bien par des personnes à l’étranger

« Je suis étrangère, résidant hors de Suisse (en Argentine). Je souhaite « investir dans la pierre » à Genève, en Suisse. Est-ce possible ? Pour quel type de bien ? ». Maître Laure Meyer, avocate CGI Conseils, répond à Nora K, Buenos Aires.

Le législateur a entendu limiter, dans certains cas, l'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes à l'étranger.
Le législateur a entendu limiter, dans certains cas, l'acquisition d'immeubles en Suisse par des personnes à l'étranger.

Le législateur a entendu limiter dans certains cas, l’acquisition d’immeubles en Suisse par des personnes à l’étranger. Ces restrictions sont prévues dans La loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE), connue aussi sous le nom de Lex Koller et son ordonnance d’application (OAIE) qui régissent les conditions d’acquisition d’un bien immobilier en Suisse par les étrangers. Il existe également à Genève une loi d’application cantonale de la LFAIE.

Qui est soumis à la loi ?

Sont uniquement assujettis à la LFAIE et doivent obtenir une autorisation pour obtenir le droit d’acquérir un immeuble en Suisse les « personnes à l’étranger » au sens de l’article 5 de la loi fédérale, à savoir les étrangers domiciliés à l’étranger d’une part et les étrangers domiciliés en Suisse, mais qui ne sont pas ressortissants de pays membres de la Communauté Européenne (CE) ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE), et qui ne possèdent pas une autorisation d’établissement C valable (détenteurs d’un permis B par exemple).

Ne sont en revanche pas soumis à la LFAIE et n’ont ainsi pas besoin d’ autorisation au sens de cette loi pour l’acquisition d’immeubles en Suisse, les suisses (y compris les doubles-nationaux, qu’ils soient domiciliés en Suisse ou à l’étranger), les ressortissants des pays membres de la CE ou de l’AELE qui ont un domicile légal et effectif en Suisse (en principe les titulaires d’un permis B ou C), les étrangers (quelle que soit leur nationalité) titulaires d’un permis C valable, effectivement domiciliés en Suisse.

Lorsque l’étranger est une société, on entend par « personne à l’étranger » soumise à LFAIE les personnes morales (société anonyme, société en commandite par actions, société à responsabilité limitée, société coopérative, association et fondation) et les sociétés sans personnalité juridique mais ayant la capacité d’acquérir (société en nom collectif et en commandite simple) qui ont leur siège à l’étranger ou qui ont certes leur siège en Suisse mais qui sont dominées par des personnes à l’étranger. Selon la loi, il y a présomption de position dominante par des personnes à l’étranger lorsque celles-ci détiennent plus d’un tiers du capital d’une société ou disposent des droits de vote pour plus d’un tiers ou encore lui ont accordé des prêts importants.

Acheter une résidence principale en Suisse ?

N’étant pas des « personnes à l’étranger » au sens de la loi fédérale, les ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne possédant un domicile effectif et légal en Suisse (permis B ou C) de même que les étrangers domiciliés en Suisse titulaires d’un permis C, pourront faire librement l’acquisition d’une résidence principale en Suisse (appartement, maison individuelle ou terrain à bâtir), comme tout citoyen suisse. Ceci vaut également pour l’acquisition d’un immeuble à des fins de placement.

Les étrangers, résidant en Suisse, non ressortissants d’un Etat membres de la CE ou de l’AELE au bénéfice d’un permis B (ou équivalent), pourront acquérir un logement sans autorisation pour autant que cela devienne leur logement principal. L’acquéreur doit ainsi faire du logement son domicile au sens du Code civil suisse, c’est-à-dire qu’il doit y résider avec l’intention de s’y établir durablement. Il en découle que le ressortissant étranger devra habiter le logement personnellement et ne devra pas le louer, même partiellement. Cette acquisition devra en outre être effectuée directement, en nom propre, par l’acquéreur. Par ailleurs, si la surface de l’immeuble n’est en soi pas limitée, elle ne devra toutefois pas atteindre une grandeur telle que l’on puisse assimiler l’acquisition à un placement de capitaux. Dès lors, au-delà de 3000 m2, l’office du registre foncier ne procède pas à l’inscription directe de l’acte juridique mais renvoie l’acquéreur devant l’autorité compétente (DARES) qui décidera si l’acquisition est ou non assujettie à la loi fédérale.

Qu’en est-il des résidences secondaires et des logements de vacances ?

L’acquisition d’une résidence secondaire ou d’un logement de vacances n’est pas soumise à autorisation pour les ressortissants des pays membres de l’Union européenne domiciliés en suisse (permis B ou C) et les étrangers (quelle que soit leur nationalité) titulaires d’un permis C valable, effectivement domiciliés en Suisse, dans la mesure où ils ne sont pas assujettis à la loi.

En revanche, pour les autres étrangers (assujettis à la LFAIE), la loi fédérale réserve la possibilité pour les cantons d’autoriser, par la voie législative, l’acquisition d’une résidence secondaire par une personne physique pour autant qu’il s’agisse d’un lieu où elle entretient des relations extrêmement étroites et dignes d’être protégées. Il est admis que tel peut être le cas lorsque l’étranger a des relations régulières qu’il entretient pour sauvegarder des intérêts prépondérants d’ordre économique, scientifique ou culturel. Le canton de Genève n’a pas fait usage de cette possibilité de sorte que l’acquisition d’une résidence secondaire n’est pas autorisée à Genève pour des étrangers résidant à l’étranger ou des étrangers résidant en Suisse mais non ressortissant d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE, ni titulaire d’un permis C.

L’acquisition d’un logement de vacances dans un lieu qualifié de « zone touristique » par des étrangers domiciliés à l’étranger est possible, à des conditions strictes, dépendant non seulement de la loi fédérale, mais aussi de sa législation cantonale d’application. Pour de tels logements de vacances, une seule acquisition est possible ; en outre, la taille des logements est limitée, et les autorisations sont contingentées. L’acquisition d’une résidence secondaire comme logement de vacances n’est pas autorisée à Genève pour les étrangers non domiciliés en Suisse ou des étrangers résidant en Suisse mais non ressortissant d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE, ni titulaire d’un permis C.

En réponse à votre question, vous aurez ainsi compris que vous ne pourrez ni acheter une résidence principale, ni une résidence secondaire, ni un logement de vacances à Genève, en votre qualité d’étrangère résidant à l’étranger.

Que reste-t-il à acheter à Genève pour un étranger résidant à l’étranger ?

Il est possible de faire l’acquisition d’immeubles destinés à l’exercice d’une activité économique (immeubles servant d’établissement stables, par exemple des immeubles servant de fabrique, de dépôts et d’entrepôts, de bureaux, de centre commercial, de magasins de vente, d’hôtels, de restaurant, d’atelier d’artisanat, de cabinet médical). Ces immeubles peuvent donc être acquis sans autorisation, étant précisé que le fait que l’immeuble serve à l’entreprise de l’acquéreur ou qu’il soit loué à des tiers pour l’exercice d’une activité économique n’a pas d’importance. Par ailleurs, de tels immeubles peuvent aussi être acquis comme de purs placements de capitaux.

En outre, selon la loi, une personne à l’étranger peut être autorisée à acquérir, dans les lieux où sévit la pénurie de logements, un immeuble pour la construction de logements à caractère social, à savoir pour la construction de logements locatifs à loyer modéré. Ce motif d’autorisation a été introduit par le canton de Genève (notamment). La loi cantonale (article 3) prévoit ainsi que l’acquisition par une personne à l’étranger d’un immeuble comprenant des logements d’utilité publique au sens de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, peut être autorisée à certaines conditions.