Diversification

L'immobilier au service du sport

En Suisse, plusieurs modèles existent lorsqu’il s’agit de réunir les fonds nécessaires au financement d’une nouvelle infrastructure sportive. À l’échelle d’une ville ou d’un canton, la visibilité des clubs influe directement sur la notoriété des régions qui les accueillent. Le tourisme en bénéficie, mais aussi l’économie et l’immobilier. Le Valais abrite sur son sol plusieurs arènes sportives qui ont ou qui vont relever ces challenges.

Avec une capacité de 5000 spectateurs, la Lonza Arena de Viège a coûté 35,7 millions de francs.
Avec une capacité de 5000 spectateurs, la Lonza Arena de Viège a coûté 35,7 millions de francs. - Copyright (c) Lonza Arena
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  • LONZA ARENA, VIÈGE
    INVESTISSEMENT: 35,7 MILLIONS
    STATUT: EN ACTIVITÉ

Inaugurée début septembre 2019, la Lonza Arena a une capacité d’accueil de 5’000 spectateurs. Cette enceinte a coûté 35,7 millions de francs. Quatre types de financements ont été coordonnés pour boucler ce montage financier. Le premier apport de 5,7 millions a résulté de la vente du terrain de l’ancienne patinoire, la Litternahalle. Le deuxième est issu du «naming» de la patinoire pour lequel le géant bâlois de la chimie et du pharma Lonza a déboursé 3 millions de francs. Le troisième est provenu du cash-flow du club, à savoir 7,5 millions. Enfin, la Commune de Viège s’est engagée à hauteur de 19 millions de francs auxquels est venue s’ajouter une aide d’un demi-million de francs du Canton.

Plus qu’un match

L’une des clés de la rentabilisation de cette patinoire sera le degré de performance sportive du club. L’ambition affichée est de doubler le nombre moyen de 2’500 spectateurs qui prévalait dans l’ancienne halle de glace. Outre l’émulation générée par les résultats, les concepteurs des lieux ont misé sur un modèle d’exploitation proche de celui des patinoires nord-américaines: assister à un match de hockey devient une sortie à part entière, au même titre que de se rendre au théâtre.

La gastronomie paye

Le temps des soirées pizzas sur le canapé est bien révolu! À la Lonza Arena, les spectateurs regardent la partie du jour en live tout en ayant accès à des buffets chauds. Au deuxième étage, on trouve en effet trois espaces «Dine and View». Celui qui est implanté au centre propose des repas gastronomiques. Il est réservé aux abonnés, alors que les deux autres, situés sur les côtés, sont ponctuels et ouverts à tout le monde. Il faut compter CHF 150.- pour la formule qui inclut le billet d’entrée, de même que le buffet et les boissons à volonté. Le «Cheese Lounge» du premier étage est, pour sa part, spécialisé dans les mets à base de fromage. Au rez, les spectateurs peuvent prendre un verre au sports-bar.

«C’est un domaine déterminant qui nous permettra de gagner ou de perdre de l’argent. Beaucoup de clubs se sont plantés. Il s’agira vraiment de proposer des services compétents» avait expliqué Sébastien Pico, le CEO du HC Viège, au moment de l’inauguration. Symbole de cette ambition, son club n’a pas hésité à investir CHF 600’000.- dans l’achat d’un cube vidéo digital géant. Cet engin multi-écrans sert non seulement à projeter le nom des différents sponsors, mais aussi à diffuser des animations sous forme de clips ou d’interviews avant et durant les rencontres.

A Tourbillon, le projet de complexe sportif est devisé à 150 millions.diaporama
A Tourbillon, le projet de complexe sportif est devisé à 150 millions.
  • STADE DE TOURBILLON, SION
    INVESTISSEMENT: 150 MILLIONS
    STATUT: À L’ÉTUDE

À la veille de la pause estivale, le FC Sion a été relégué en Challenge League au terme d’une saison calamiteuse. Lassé d’investir à fonds perdu dans le club, Christian Constantin avait alors prévenu que 2023-2024 risquait d’être son ultime exercice en tant que dirigeant. Au-delà de cette limite, son équipe quitterait le monde du football professionnel pour évoluer dans les ligues inférieures. À moins que… Le charismatique président avait, en fait, laissé entrouverte la porte. Concrètement, il avait proposé une sortie par le haut avec la construction d’un stade et d’un centre de formation devisés à 150 millions. À titre de rappel, l’échéance pour la demande de licence à la Swiss Football League est, elle, fixée au 2 mars 2024.

Chacun sa part?

Cette première formule tablait sur le fait que les 50 millions apportés par Christian Constantin auraient permis d’en obtenir 50 autres sous forme de prêts bancaires. Les 50 millions restants seraient provenus des pouvoirs publics, soit la Confédération, le Canton et la Ville de Sion. Le problème est que ces différents partenaires se sont montrés pour le moins dubitatifs. Jamais à court de ressources, tout début juillet, le promoteur martignerain s’est confié à nos confrères du Blick. Il a alors mis en avant un deuxième modèle pour financer, sur le long terme, le stade et les activités professionnelles du club.

Revu et corrigé

Réflexion faite, comment compte-t-il précisément s’y prendre? Par le biais d’un complexe intégré de 1’000 logements qui doit permettre de financer l’ensemble du projet. «Ce grand complexe résidentiel couvrira 90’000 m2. Avec les 166 premiers appartements qui seront vendus, nous financerons le stade. Ensuite, 420 autres appartements seront vendus. La troisième tranche, encore environ 420 logements, sera composée d’unités locatives. Elles deviendront la propriété d’une fondation qui sera créée», a détaillé Christian Constantin. Sur les revenus locatifs, neuf millions de francs devraient être versés chaque année au club, via cette fondation. C’est le montant que Christian Constantin a investi, en moyenne, saison après saison, dans son club pour en financer le fonctionnement. «Cela remplace donc le mécénat que je pratiquais jusqu’à présent» a-t-il confirmé.

Quelques jalons

Le nouveau stade serait construit à côté de l’actuel Tourbillon. Son inauguration n’interviendrait, par contre, qu’en juillet 2029. Pour le centre de formation, la piste d’un terrain situé près de l’École cantonale d’Agriculture de Châteauneuf a été confirmée. Sa mise en service serait pour 2026. Afin de stimuler les enthousiasmes des uns et des autres, Christian Constantin a fait miroiter une forte rentabilité de la future arène: selon ses projections, ce stade générera 20 millions de francs de bénéfices par saison contre cinq avec le Tourbillon actuel.

  • VALAIS ARENA, SIERRE
    INVESTISSEMENT: 320 MILLIONS
    STATUT: EN PHASE DE LANCEMENT

L’ancienne patinoire de Graben, haut lieu du hockey valaisan, s’apprête à être démontée. Elle sera remplacée par la «Valais Arena» qui sera édifiée sur un autre site. À ce nouveau centre de 6’000 à 7’000 places sera accolée une deuxième surface de glace. Les autorités locales et leurs partenaires privés (Sierre-Valais Sport SA emmené par Chris McSorley et Urban Project SA) ont confirmé, ce printemps, avoir signé une convention en vue de la construction de leurs futures installations.

Pas qu’une patinoire

Le quartier devrait en sortir fortement redynamisé, car il est prévu d’y ériger également une plateforme de sports indoor, des commerces, un centre médical et une auberge de jeunesse. Le coût pour ce premier secteur se chiffrera à 135 millions de francs, dont 75 pour la patinoire. La présence du Théâtre Les Halles et du futur bâtiment de l’école d’art et de design incarne la volonté de renforcer les liens entre sport et culture. Les deuxièmes et troisièmes phases seront menées à bien dans la foulée. L’ensemble supposera au moins dix ans de travaux. Le budget total pour ces réalisations commerciales, immobilières et urbanistiques s’élèvera à 320 millions de francs. Des logements, d’autres commerces et un parking viendront compléter ces aménagements.

Chacun ses intérêts

En ce moment, les entreprises mandatées effectuent des études de faisabilité. La Ville de Sierre accordera un droit de superficie distinct et permanent (DSDP) pour une durée de 75 ans en ce qui concerne le premier secteur, celui qui doit accueillir les infrastructures sportives. Les financements publics seront de 30 millions de francs, à répartir entre la Municipalité et les communes du district (à hauteur de 10 millions). Le Canton du Valais prendra en charge entre quatre et cinq millions de francs (peut-être davantage). L’attribution des tâches se fera sur le même modèle.

La Ville veillera au respect des intérêts publics, Urban Project SA garantira pour sa part la réalisation du projet tandis que Sierre-Valais Sport SA (Chris McSorley et Christophe Roessli) sera en charge de l’exploitation de la Valais Arena. L’accord présenté début avril est valable jusqu’à fin 2024. Le législatif communal devra se prononcer sur cette question (fin décembre 2023 et/ou février 2024).

«Notre business plan se doit d'être inattaquable»

Christophe Roessli, administrateur de Sierre-Valais Sport.diaporama
Christophe Roessli, administrateur de Sierre-Valais Sport.

Entretien exclusif avec Christophe Roessli, administrateur de Sierre-Valais Sport.

L’exemple de Genève montre à quel point il est difficile de construire une patinoire: qu’est-ce qui vous laisse penser que tout se passera mieux à Sierre?

On ne peut pas comparer ces deux villes. À Sierre, il y a une réelle volonté à la fois des élus et de la population de voir naître ces patinoires. Ces dernières ne seront pas réservées au seul HC Sierre. La patinoire secondaire, par exemple, sera mise à disposition des écoles, des associations et du grand public. Cette seconde halle doublera la capacité d’accueil, puisqu’il n’existe actuellement qu’une seule aire de glace à Sierre. Ce sera un outil précieux. Étant un ancien sportif de haut niveau, je suis très attaché à la dimension jeunesse. Le sport enseigne la persévérance, l’effort et la discipline. Il permet également d’éviter que certains d’entre eux ne fassent des bêtises.

L’ascension en National League doit venir valider en quelque sorte l’investissement. Quels moyens prévoyez-vous d’engager pour assurer cette promotion?

Le sport n’est pas une science exacte. Ainsi, les résultats ne sont, bien souvent, pas la résultante des sommes investies. Sierre Valais Sport SA va, avant tout, s’attacher à professionnaliser les structures existantes du HC Sierre. Nous avons besoin d’un club solide, quelle que soit la division dans laquelle il évoluera. L’Arena deviendra la maison de l’équipe et engendrera des moyens supplémentaires pour renforcer tout le secteur hockey.

Quel sera le rôle exact de votre partenaire, Chris McSorley?

Chris est le personnage clé du projet sportif. Sans lui, rien ne serait possible. Il sait comment créer une alchimie entre les joueurs pour faire gagner les équipes qu’il encadre. Il l’a prouvé avec brio à Lausanne et à Genève.

Quelles sont les conditions qui ont été posées par la Ville de Sierre pour vous apporter son soutien?

Le président du club et le président de la ville sont au contact direct des Sierroises et des Sierrois. Ils veulent pouvoir marcher dans la rue sans avoir à subir des reproches. Nous devons donc assurer la pérennité financière de l’ensemble du projet. Notre business plan se doit d’être inattaquable.

Les développements extérieurs au complexe sportif ne sont-ils pas surdimensionnés pour une ville de la taille de Sierre?

Le Valais est le royaume des vacances. Nous souhaitons proposer des sports qui peuvent être pratiqués par tous les temps, cela afin de développer le tourisme quatre saisons dans la région sierroise, mais aussi dans le canton. Sierre a l’opportunité de changer son image et de devenir un acteur clé du centre du Valais avec des infrastructures modernes et durables. Nous avons en outre la chance de pouvoir compter sur l’expertise d’Urban Project en plus de mandataires valaisans, ce qui est un gage de succès dans ce contexte.