Dossier spécial : Sion

Interview du président de la ville de Sion, Philippe Varone

Interview du président de la ville de Sion, Philippe Varone, qui a vu le nombre de ses habitants progresser de 15% lors de la dernière décennie.

Philippe Varone, président de la ville de Sion.
Philippe Varone, président de la ville de Sion. - Copyright (c) Olivier Maire.
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À l’aune des crises récentes, comment se porte la ville que vous présidez pour votre deuxième législature?

Sion va bien. Je suis même un peu surpris par sa résilience. Je l’explique par la solidarité et la confiance dont les Sédunoises et Sédunois ont su faire preuve. Plus globalement, nous avons des projets et, surtout, les moyens financiers pour les réaliser. Nous profitons de cette constellation heureuse pour accroître notre attractivité. Nous avons pour ce faire défini une vision stratégique qui tient compte de notre statut de capitale cantonale et de moteur économique du Valais central. Nous voulons prendre nos responsabilités par rapport aux communes qui nous entourent et miser sur un développement régional, en collaboration avec elles.

Vous avez adopté un label qui synthétise vos objectifs: «Sion, capitale des Alpes». Comment est né ce slogan volontariste?

Le Conseil municipal en a été à l’origine. Il s’agit d’un positionnement à 30 ans. Cette formule résulte de la question que nous nous sommes posés: qu’est-ce qui nous distingue des autres? En tant que pôle d’importance régionale, nous revendiquons 35’000 habitants. En réalité, ce chiffre double en journée avec les nombreux pendulaires qui nous rejoignent pour leur travail. De plus, Sion est une ville de montagne, comme le sont Innsbruck en Autriche ou Grenoble en France. Or, en Suisse, la voix des villes est de plus en plus écoutée dans le débat public. Nous voulons donc porter la voix des régions alpines, aux côtés du Canton.

Pour autant, cette formulation pourrait être qualifiée de purement rhétorique. Comment comptez-vous la matérialiser sur le terrain?

«Sion, capitale des Alpes» nous sert de fil rouge dans notre développement. Cette formule n’est pas conditionnée par le respect d’étapes prédéterminées. Nous entendons faire de Sion une destination de qualité pour attirer aussi bien des habitants que des entreprises. Sur le plan touristique également, nous voulons retrouver le lustre qui était le nôtre jusque dans les années 70. Dans cette optique, nous allons miser sur une orientation utilisateurs. Nos hôtes doivent être guidés dans cet environnement unique qui permet de skier le matin, d’effectuer un parcours de golf l’après-midi et de surfer le soir sur une vague artificielle.

Sous l’hôtel Holiday Inn Express & Suites se trouvera la future salle de concerts et de congrès.diaporama
Sous l’hôtel Holiday Inn Express & Suites se trouvera la future salle de concerts et de congrès.

Comment comptez-vous financer les actions qui vous amèneront vers ce résultat?

Nous investissons de manière directe et indirecte, soit en injectant des fonds, soit en optimisant les infrastructures. Nous misons aussi beaucoup sur la formation et sur l’innovation afin d’attirer des entreprises. En résumé, nous voulons instaurer une boucle vertueuse sur le plan économique. Par ailleurs, le Canton investit également beaucoup d’argent à Sion. Je pense notamment au Pôle Santé qui est en cours de construction et qui accueillera à terme 5’000 occupants journaliers. La Municipalité prend sa part dans la réalisation de ces projets.

Votre vision ne risque-t-elle pas d’être perçue comme arrogante ailleurs en Valais?

Je ne crois pas. Partout dans ce canton, les villes jouent un rôle de moteur pour le développement régional. Sion est en dialogue avec les communes environnantes où nous sommes allés expliquer notre démarche. À la demande de Mont-Noble et de Veysonnaz, nous avons entamé un processus en vue d’une fusion. Nous travaillons également à la création d’une liaison par télécabine entre Sion et les Mayens de l’Ours. Cette liaison par câble permettra de rejoindre en une dizaine de minutes la grande nature et les pistes de ski du domaine des 4 Vallées, directement depuis la gare de Sion. La demande d’autorisation de construire a déjà été déposée et nous sommes en train de traiter les oppositions. Ces actions coordonnées illustrent le fait qu’il existe bien une logique dans notre vision.

Ronquoz 21 et Cour de gare sont deux concepts urbanistiques pensés pour redessiner le visage de Sion. Sur quelles bases?

Cour de Gare est en phase de construction au nord des voies CFF. Il devrait être achevé d’ici 2024. Il s’agit d’un projet privé que pilote Crédit Suisse. La Ville est le seul autre copropriétaire. Nous allons construire une salle de concerts et de congrès, juste en face du campus Energypolis. Ronquoz 21, lui, s’étend sur 60 hectares au sud des voies CFF. Il s’agit à l’heure actuelle d’un secteur essentiellement industriel. Il va être progressivement transformé en zone mixte pouvant accueillir d’ici 30 ans 10’000 emplois-habitants, contre 5’000 aujourd’hui. Ce concept urbanistique a été élaboré par le célèbre cabinet bâlois Herzog & de Meuron. Il privilégiera la durabilité et la création de zones vertes. Ces deux nouveaux quartiers englobent un hub de transport multimodal. Ils vont conférer une nouvelle dimension à Sion.

Les forces vives locales sont donc toutes appelées à migrer vers le sud de la ville?

Non, nous sommes très attachés à notre patrimoine. Nous souhaitons garder nos magnifiques quartiers historiques aussi vivants et attractifs qu’actuellement. Au sud de Sion, il s’agit d’édifier la cité du XXIe siècle. Nous voulons en faire une «ville au quart d’heure», c’est-à-dire une aire qui permette d’habiter, de travailler, de faire ses courses et de se divertir au même endroit, dans un espace-temps de 15 minutes. Nous quittons ainsi le modèle «un quartier, un usage». La proximité avec la nature constitue l’un de nos atouts phares pour séduire les nouveaux arrivants. Une bonne part d’entre eux sont des chercheurs, des étudiants et des enseignants du campus Energypolis. Celui-ci regroupe la Haute école d’ingénierie de la HES-SO, l’EPFL et la fondation The Ark. Innovation, urbanisme et patrimoine: tout converge pour renforcer notre attractivité.

Du point de vue de l’immobilier, Sion a-t-elle les capacités suffisantes pour héberger ces nouvelles populations?

Pour les quinze ans à venir, sans aucun doute. Nous n’avons aucun problème de dézonage. En plus de Cour de Gare et Ronquoz 21, un quartier comme les Potences recèle encore un excellent potentiel de développement. En effet, des parcelles aujourd’hui occupées par le centre horticole vont se libérer. Elles sont parfaitement desservies par les transports publics et les réseaux de mobilité douce et offrent des vues saisissantes sur le grand paysage sédunois. Elles constituent une opportunité de développer un nouveau quartier, avec non seulement des logements et des activités, mais aussi un vaste parc arborisé au cœur du quartier de Châteauneuf. Nous souhaitons en outre densifier de manière qualitative l’habitat au cœur de la ville. Nous disposons par ailleurs de suffisamment de locations, puisque les banques et les fonds de pension ont beaucoup investi dans la construction d’immeubles ces dernières années. Le marché est plus tendu en ce qui concerne les objets disponibles à la vente. Il serait vraisemblablement pertinent d’explorer des voies comme les coopératives d’habitat, ce que nous avons peu fait jusqu’ici.

Pour terminer, de quoi rêvez-vous pour votre ville à un horizon raisonnable?

L’image rêvée que j’ai de Sion se focalise sur le vivre ensemble. La tolérance et la mixité sont pour moi les maîtres mots. La ville ne doit pas être monocolore. Ses quartiers et ses villages doivent être diversifiés, avec des ambiances et une vie locale qui leur sont propres. Le développement de maisons de quartier est en ce sens une excellente chose. Sion doit servir de laboratoire où expérimenter les modalités du vivre en ville de demain.