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Constructions « illicites » en Valais : que risquent les propriétaires ?

04/12/2020

Par « constructions illicites », on entend les constructions au sens de l’article 22 de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) qui se révèlent contraires au droit, donc « illégales ». Fédéralisme oblige, le droit des constructions varie d’un canton à l’autre. Toutefois, les systèmes sont assez semblables, à tout le moins en Suisse romande. Décryptage.

Constructions VS 770X513
Constructions VS 770X513
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Les constructions illicites font l’objet de mesures coercitives de la part de l’Etat. Il peut s’agir de mesures administratives (on parle alors de « police des constructions ») et/ou de sanctions (il s’agit ici de dispositions pénales au sens large).

Fédéralisme oblige, le droit des constructions varie d’un canton à l’autre. Toutefois, les systèmes sont assez semblables, à tout le moins en Suisse romande.

Par ailleurs et à certains égards, le droit fédéral empiète sur les lois cantonales sur les constructions (on peut citer à titre exemplatif la LAT, la Loi fédérale sur les résidences secondaires [LRS] et les principes généraux du droit administratif). Et puis, le Tribunal fédéral se charge d’appliquer le droit fédéral de manière uniforme sur tout le territoire suisse.

En Valais, le siège de la matière pour le traitement des constructions illicites est la Loi sur les constructions du 15 décembre 2016 (LC) et son ordonnance d’exécution du 22 mars 2017. Cette loi de 2016 a remplacé une loi homonyme de 1996. Il semble que la nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, n’ait pas apporté, en pratique, de changements notables s’agissant du traitement réservé à ces constructions.

Des mesures administratives

Les mesures administratives sont les actions que les autorités administratives ordonnent par décisions, exécutent ou font exécuter par des tiers, dans le but de rétablir le respect de la légalité. L’objectif de ces mesures est donc « correcteur » et non pas « répressif ».

Le droit valaisan prévoit les mesures administratives suivantes (art. 56, 57 et 59 LC) :

  • l’arrêt des travaux ;
  • l’interdiction d’utiliser les bâtiments et installations illicites ;
  • la remise en état des lieux conforme au droit ;
  • l’injonction à l’intéressé de faire une demande d’autorisation de construire en vue de la régularisation des travaux effectués ;
  • la suppression de constructions et d’installations plus utilisées ou plus exploitées.

Les destinataires de ces mesures sont les perturbateurs par situation (ceux qui exercent sur la construction en cause un pouvoir de fait ou de droit) et/ou les perturbateurs par comportement (ceux qui ont causé la situation problématique) (art. 57 al. 1 LC). En outre, en cas d’atteinte à l’ordre public, la mesure est adressée au propriétaire du bien-fonds duquel émane l’atteinte, si le perturbateur est inconnu (art. 58 al. 2 LC).

Pour contester une mesure administrative, l’intéressé peut invoquer différents motifs. Il peut plaider utilement sa bonne foi si l’Administration lui a promis expressément que son comportement était conforme au droit ou bien si l’autorité a toléré – activement ou passivement – la situation en cause.

Le perturbateur présumé peut également faire grief à la mesure d’être disproportionnée. La proportionnalité d’une mesure implique qu’elle soit apte à atteindre le résultat voulu, respectivement rétablir de façon pérenne la légalité (critère de l’aptitude), nécessaire à ce résultat, à savoir qu’il n’existe pas de mesure moins incisive pour le perturbateur (critère de la subsidiarité) et qu’elle soit dans un rapport raisonnable avec l’intérêt public recherché (critère de la proportionnalité stricto sensu). Par exemple, l’autorité ne peut exiger la démolition d’une construction, si de simples travaux de transformation suffisent à obtenir le même effet correcteur.

De plus, le droit d’ordonner des mesures administratives tendant au rétablissement de la légalité se prescrit. En clair, l’Etat est paralysé dans son action face à la construction illicite. L’article 57 al. 4 LC dispose ainsi que « dix ans après le jour où l’état de fait contraire au droit était reconnaissable, la remise en état des lieux ne peut être exigée que si elle est commandée par des intérêts publics impératifs. La prescription absolue est de 20 ans dès l’achèvement des travaux ».

Esquiver les mesures administratives ?

Selon l’article 57 al. 2 LC, si une régularisation n’est pas d’emblée exclue, l’autorité impartit un délai convenable à l’administré pour déposer une demande d’autorisation de construire en vue de la régularisation des travaux effectués. Par ailleurs, à défaut de dépôt d’une demande dans le délai fixé, l’autorité fait élaborer un dossier de demande d’autorisation de construire, les frais y relatifs étant à la charge du perturbateur.

L’autorité doit – d’office – examiner quelles sont les mesures appropriées propres à rétablir un état de fait conforme au droit, singulièrement lorsque la modification du projet porte sur une question de détail.

Il est fortement conseillé au constructeur de participer activement à cette procédure de régularisation. En effet, le statut d’une construction régularisée a posteriori est comparable à celui d’une construction licite dès l’origine. En revanche, la régularisation totale de la construction n’empêche pas de sanctionner le comportement suivi par le constructeur.

A noter que dans le cas où la régularisation a posteriori n’est pas possible et où la remise en état s’avère disproportionnée, la construction litigieuse demeure illicite. Tel est également le cas lorsque le maintien de la construction illicite découle de la péremption du droit de l’autorité d’exiger la remise en état. On parle alors de décision de tolérance. La construction ne peut pas être modifiée ou reconstruite suite à une destruction volontaire ou accidentelle.

Sanctions

Le but des dispositions pénales est de réprimer une violation du droit par un administré. Une sanction peut être prononcée conjointement à une mesure administrative.

En droit valaisan (art. 61 LC), les principaux actes punissables sont : l’exécution des travaux sans autorisation, le non-signalement du début des travaux, le non-respect des conditions et charges de l’autorisation octroyée, la transmission d’informations inexactes en vue d’obtenir une autorisation, l’occupation ou l’utilisation de l’ouvrage sans permis et la non-soumission à des ordres de police des constructions.

Les personnes responsables au sens de la LC sont – notamment – le propriétaire, le requérant, le responsable du projet, le maître d’ouvrage, l’architecte, l’ingénieur, le chef de chantier, l’entrepreneur. En clair, il s’agit de toute personne qui ne satisfait pas à une obligation que la loi met à sa charge ou qui contrevient de toute autre manière à la législation.

Les sanctions pénales sont, en principe, des amendes allant de CHF 1000.- à 100 000.-. Dans les cas de peu de gravité, l’amende peut être réduite et dans les cas graves, l’amende peut s’élever jusqu’à CHF 200 000.-.

On notera que la législation valaisanne (et suisse) appréhende avec fermeté et rigueur les constructions « illicites ». Il convient aussi de préciser que l’examen de la jurisprudence fédérale et valaisanne nous montre que les perturbateurs propriétaires de biens immobiliers en Valais ne sont pas traités de manière plus clémente que dans les autres cantons.

par Jean-Luc Addor, Avocat associé de l’Etude Addor & Künzi, Sion

Article paru dans le Magazine immobilier.ch de mai 2019